Quel bonheur, quel repos pour un esprit
fatigué de chercher la vérité en lui-même de se dire qu’elle est située hors de
lui, aux feuillets d’un in-folio jalousement conservé dans un couvent de
Hollande, et que si, pour arriver jusqu’à elle, il faut se donner de la peine,
cette peine sera toute matérielle, ne sera pour la pensée qu’un délassement
plein de charme. Sans doute, il faudra faire un long voyage, traverser en coche
d’eau les plaines gémissantes de vent, tandis que sur la rive les roseaux
s’inclinent et se relèvent tour à tour dans une ondulation sans fin ; il faudra
s’arrêter à Dordrecht, qui mire son église couverte de lierre dans l’entrelacs
des canaux dormants et dans la Meuse frémissante et dorée où les vaisseaux en
glissant dérangent, le soir, les reflets alignés des toits rouges et du ciel
bleu ; et enfin, arrivé au terme du voyage, on ne sera pas encore certain de
recevoir communication de la vérité. Il faudra pour cela faire jouer de
puissantes influences, se lier avec le vénérable archevêque d’Utrecht, à la
belle figure carrée d’ancien janséniste, avec le pieux gardien des archives
d’Amersfoort. La conquête de la vérité est conçue dans ces cas-là comme le
succès d’une sorte de mission diplomatique où n’ont manqué ni les difficultés
du voyage, ni les hasards de la négociation.
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